7 déc. 2018
L'écologie politique en quête d'un nouveau récit
J'assistais ce matin à un séminaire d'écologie politique organisé par Alternatiba Toulouse sur le thème du récit à construire autour du changement climatique, qui doit s'appuyer sur des bases scientifiques : comme celles exposées lors de la rencontre par l'historien des sciences Christophe Bonneuil - sur la notion d'anthropocène, sa légitimité scientifique, sa datation, ses causes - et par Roland Séférian, ingénieur chercheur au Centre de recherche de Météo France, qui a exposé sa contribution à la rédaction du dernier rapport du GIEC sur l'objectif d'une hausse maximale de la température moyenne de la terre de 1,5° C à l'horizon 2100.
C'était très instructif, même pour quelqu'un de bien informé sur le sujet. Les questions posées par la salle en fin de séance témoignent de la variété des champs d'investigation qui s'ouvrent à l'écologie politique, discipline qui ne date pas d'aujourd'hui, mais cherche justement à se réinventer, et à se doter d'un récit. S'il s'agit d'un récit essentiellement scientifique, la tentation peut être grande - et elle pointe déjà dans le discours de certains, qui envient presque l'efficacité du modèle chinois - de céder à l'autoritarisme politique. Nombreuses sont les autres questions soulevées (par la seule construction d'un récit fondateur et mobilisateur). Je vous livre ma réaction à chaud, publié sur la page FB de l'événement :
"Je comprends la nécessité de développer un récit sur les enjeux du changement climatique sur des bases scientifiques. Plusieurs remarques à ce sujet :
La question du changement climatique n'est pas isolée (on croisera d'ailleurs d'autres cortèges samedi), liée qu'elle est à bien d'autres enjeux (épuisement des ressources, extinction des espèces, « insoutenabilité » de notre modèle économique, extrême complexité et fragilité du système financier, fin (non choisie) de la croissance, creusement des inégalités, sous-développement localisé, etc.).
Le GIEC commence à faire appel à des économistes, a indiqué un participant au séminaire - et je me suis instantanément demandé s'il s'agit d'économistes « orthodoxes ». Ce serait faire appel à ceux qui pratiquent encore la saignée (austérité, baisse des dépenses publiques, prison de la dette, poursuite de la quête effrénée de croissance) pour soigner le cancer.
Nous vivons une véritable crise (ou révolution) systémique, politique, sociale, sociétale, sociologique, politique, géopolitique, historique, culturelle, symbolique, psychologique, cognitive, etc. Les sciences « dures » (météorologie, géologie, biologie, chimie, physique...) ne me semblent pas les seules à convoquer.
La question monétaire, également, est de première importance. La conception que nous avons de la monnaie n'est absolument pas neutre. On peut émettre des monnaies complémentaires qui induisent chez les acteurs économiques des comportements allant dans le sens d'une transition écologique maîtrisée, ou d'une plus grande inclusion économique et sociale, y compris à un échelon local. C'est très bien documenté (cf. Lietaer).
Notre système monétaire international est extrêmement fragile et susceptible de s'effondrer, à commencer par sa monnaie étalon, le dollar, qui est une monnaie 100 % carbonée. Les technologies de crypto-monnaie permettent aujourd'hui de concevoir des système monétaires libres et résilients (et pas seulement spéculatifs).
Tout récit sur le changement climatique (s'il veut convertir à l'idée de s'orienter résolument vers zéro émission carbone) ne peut qu'intégrer un récit de l'effondrement plus ou moins larvé de notre système économique et financier, de notre mode de vie, de nos institutions, de nos sociétés industrielles, qui dépendent entièrement du carbone.Cet effondrement larvé a déjà lieu sous différentes formes (comme le montre Naomi Klein dans son dernier livre, mais on peut aussi le constater si on traverse certaines régions de France – la fameuse diagonale des Gilets Jaunes).
Le nouveau récit à construire ne peut pas s'arrêter là, il doit aussi montrer que si le pire est plus que probable, vérité qui peut nous faire tous sombrer dans la dépression, le meilleur est encore possible. Les sciences et la technologie ont certainement des solutions à nous apporter, mais sur un plan symbolique, celui où s'articule un récit fondateur, ce n'est certainement pas suffisant. Je laisse ouverte cette grande parenthèse.
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