3 déc. 2018

La révolution des Gilets jaunes


Toutes les conditions de la prochaine méga-crise sont réunies, selon l'économiste Georges Nurdin. Le reste n'est qu'affaire de psychologie... Le mouvement des gilets jaunes, tel un vol d'hirondelles annonçant l'orage, montre que le processus est déjà engagé. Car cette méga-crise ne sera pas seulement économique et financière, mais tout autant, sinon plus, politique et sociétale.

Face à ce genre de perspectives, que certains qualifient déjà d'historiques, probablement à juste titre, ce que peut dire et faire le président Macron, qui doit se demander comment être à la hauteur des enjeux (mais à moins d'un total revirement idéologique, il semble que ce ne sera pas le cas ; et on peut se demander s'il ne se sent pas déjà dépassé par les événements), ne pèse pas grand chose. L'insurrection ne vient pas, elle est déjà là.

Nous ne sommes pas en présence d'une guérilla urbaine larvée menée par quelques bandes d'ultras, de casseurs et de pilleurs, comme voudraient le faire croire les images parisiennes qui tournent en boucle sur les chaînes d'infos (ou plutôt leur commentaire en plateau, car les images ne collent pas toujours avec les mots, qui disent parfois le contraire de ce qu'elles montrent), mais face à la possibilité d'une véritable révolution populaire. Et comme toute révolution, personne ne saurait en prévoir l'issue ni en prévenir complètement les dérives potentielles, dont on voit déjà poindre les prémices.

Si des comités citoyens locaux parviennent à s'organiser, et à faire preuve de l'intelligence et de la responsabilité collectives qui sont nécessaires, l'insurrection (appelons un chat « un chat ») des gilets jaunes pourrait s'inscrire dans la durée, faire tâche d'huile, et renverser l'ordre libéral conservateur à une échelle qui peut très vite devenir européenne. Il y a peut-être là les bases d'un nouveau récit à construire, susceptible d'inspirer d'autres nations. C'est à la construction de ce nouveau récit que les artistes, en particulier, peuvent se sentir appelés à contribuer.

Un autre monde est possible ; et d'autres formes de dialogue, de concertation, d'autogestion, d'initiative, de prise de décision, et d'organisation politique décentralisée. Pour construire cet autre monde, en prenant à corps les problématiques d'effondrement de l'ordre économique et financier dominant, de changement climatique, de préservation de la biodiversité, de transition énergétique, de régénération de l'environnement, de développement local, d'inclusion sociale et économique, ou de solidarité, la société civile ne manque pas de ressources, ni d'esprits éclairés, sur chacun de ces sujets, qui peuvent contribuer à la mise en œuvre d'un véritable programme d'éducation populaire, et à l'animation d'une multitude d'universités libres dans les territoires.

Éducation populaire et émancipation politique vont de pair. A l'échelon local, la volonté d'implication et de participation, de même que les capacités de résilience sont fortes. De nombreuses expérimentations alternatives sont menées (en matière de transition énergétique, d'organisation de circuits économiques courts, d'économie sociale et solidaire, de démocratie participative, de monnaies locales complémentaires, etc.) dont il est possible de s'inspirer. Les communes peuvent s'organiser sans attendre une impulsion quelconque de l’État ou des institutions. Les régions peuvent les fédérer et se fédérer entre elles.

La voie est libre, désormais. D'une certaine manière, ce sont les gilets jaunes qui l'ont ouverte, pour de bon cette fois-ci. Le pire est encore possible, mais aussi le meilleur, et c'est la bonne nouvelle qu'annonce ce mouvement, qui n'est pas un mouvement de masse, mais celui d'une multitude diverse et variée, qui s'est constituée et agit au delà de ses différences. Saura t-elle les dépasser jusqu'au bout ? C'est sur ce talon d'Achille que joue le gouvernement.

D'où l'urgence, probablement, en tout cas si l'on souhaite que ce mouvement débouche sur quelque chose de réellement constructif, que se constituent des communes libres de gilets jaunes et qu'elles se fédèrent, qu'elles portent un discours commun de renouveau sans haine ni violence, et qu'elles engagent un processus de nouvelle constituante. Tout délai dans le déroulement de ce scénario serait une peine supplémentaire et pourrait conduire le mouvement à l'échec. L'histoire nous offre peut-être une opportunité de renouer avec le progrès politique et spirituel de l'humanité. Saura t-on la saisir ?

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