L'accusation contre Carlos Goshn, emprisonné dans une cellule de 6,8 mètres carrés au Japon, ne porte pas sur une fraude fiscale (fausse déclaration au fisc japonais), mais sur la minoration du montant de ses revenus dans les rapports financiers annuels de Nissan (les "yukashoken hokokusho") - qui s'adressent aux actionnaires et aux marchés. Dans un communiqué, la compagnie mentionne d'autres malversations qui ne font encore l'objet d'aucune instruction judiciaire.Dans la prison de Carlos #Ghosn, un quotidien de silence et de solitude >> https://t.co/qL51iPBfO9— Les Echos (@LesEchos) November 26, 2018
L'affaire tombe mal pour le gouvernement français. Goshn est le symbole vivant de ce qui pousse les Gilets jaunes à descendre dans la rue. Ce ne sont pas tant les malversations comptables et financières dont il est accusé (qui visaient à tromper les actionnaires de Nissan et non le fisc) qui font scandale, que le montant monstrueux de ses revenus.
Selon les derniers "yukashoken hokokusho" publiés par Nissan, Carlos Goshn a perçu, au titre de président et PDG de Nissan Motor Co. Ltd, une rémunération fixe de 735 MY (5.07 M€) en 2017, de 1098 MY (8.5 M€) en 2016, et de 1071 MY (8.3 M€) en 2015. Aucune rémunération variable n'apparaît dans les documents financiers de Nissan au cours de ces trois années, ce sur quoi porte probablement le litige.
Ce n'est pas la seule source de revenus de monsieur Goshn, qui perçoit une rémunération fixe de 1.23 M€ en tant que président et PDG de Renault. En 2017, la part variable de cette rémunération, qui s'ajoute à la part fixe, a atteint 1.45 M€ (118 % de la rémunération fixe), dont 362 K€ en cash, et 1.08 M€ sous forme de primes en actions différées, selon le rapport financier annuel du groupe.
Le président et PDG de Renault s'est vu également attribuer des actions de performance de la compagnie pour une valeur à date de 4.64 M€, qui ne lui appartiendront vraiment que si un certain nombre de critères de performance sont vérifiés d'ici à 2021. Le total de ses compensations, options et actions chez Renault s'est ainsi élevé à 7.37 M€ en 2017.
Cela porte à 12.4 M€ les gains de Carlos Goshn en 2017 avec toutes ses casquettes, dont 6.6 M€ perçus en cash. S'ajoutent à ce montant les émoluments perçus en tant que membre du board de Mitsibushi Motor Co. Ltd au Japon, racheté par Nissan en 2016, lesquels se sont élevés à 227 MY en 2017 (1.76 M€), dont 180 MY (1.4 M€) payés en cash, selon le dernier rapport annuel (yukashoken hokokusho) de la compagnie.
Carlos Goshen détient par ailleurs 3,139 millions d'actions de Nissan (d'une valeur de près de 24 M€ aujourd'hui malgré la baisse du cours), 11,6 millions d'actions de Mitsubishi (un petit fond de tiroir de 272 K€), et un nombre non documenté d'actions de Renault. Et si d'aventure il était débarqué de la tête de Renault, il percevrait encore pendant deux ans, au nom d'un accord de non concurrence en cas de départ, l'équivalent de sa rémunération fixe et variable.
L'accumulation de richesse et de privilèges, à un tel degré, a de quoi susciter le désarroi chez ceux qui peinent toujours plus à boucler leurs fins de mois, et voient leur standard de vie s'effondrer. Les Gilets jaunes se sentent exclus de la "start-up nation", et ils le sont. Ils sont le boulet qu'elle se traîne (et qui coûte "un pognon de dingue" en minima sociaux, dixit son président). Goshn, lui, fait partie de l'élite qu'elle sert. D'où le silence gêné du gouvernement, bien content de jouer les benêts qui ne savent rien sur le fond de l'affaire.
Mais il n'y a rien à savoir de plus. La colère gronde parce que la nation (la vraie) se paupérise, parce que ses institutions se délitent, parce que l'injustice règne, parce que la misère se répand, et que l'horizon s'assombrit ; alors qu'une caste de privilégiés profite presque outrancièrement de la situation, et parvient même à se soustraire pour une large part à l'impôt (ce dont monsieur Goshn n'est pas accusé pour l'instant). C'est l'abolition de ces privilèges, octroyés par le capitalisme, que des milliers de gilets de toutes les couleurs descendent réclamer dans la rue.
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